Girard-Perregaux Constant Escapement: une vraie révolution
L’histoire de l’horlogerie, à l’instar de celle de l’automobile ou encore de l’informatique, est une longue suite d’inventions révolutionnaires et inédites dont certaines sont parfois restées méconnues faute d’être commercialisables ou industrialisables.
Les diverses recherches sur les systèmes d’échappement sont un exemple vivant de ces véritables «actes manqués» qui n’attendent parfois que peu pour aboutir. Avec la mise au point de l’échappement constant, Girard-Perregaux améliore les travaux sur l’échappement naturel initiés il y a déjà plus de deux siècle.
Il y a quelques mois, la Space-Dweller de George Daniels a été propulsée sous le marteau de Geoffrey Ader au tarif, forcément astronomique de 1.6 millions de CHF chez Sotheby’s. Cette montre de poche, affichant le temps sidéral et le temps solaire, a la particularité d’embarquer un double échappement, spécialité de George Daniels, directement inspirée par les travaux d’Abraham Louis Breguet, notamment sur l’échappement dit «naturel». Ce dernier est le moins connu des trois échappements développés à cette époque:
-L’échappement classique à ancre que l’on retrouve dans 99% des montres contemporaines. Il présente le double avantage d’une relative précision en égrenant chaque mouvement du balancier mais aussi d’une bonne robustesse. Il a cependant le désavantage de nécessiter une lubrification importante car il s’agit d’un échappement indirect.
-Le rare échappement à détente équipe principalement les chronos de marines et certains chronomètres de poche vintages. Son réglage est ardu et il est très sensible aux chocs car il transmet le signal du balancier qu’une seule fois par aller/retour de ce dernier. Ce type d’échappement pourrait potentiellement connaître un renouveau avec l’essor de la haute fréquence et des nouveaux antichocs qui pourraient permettre de pallier à sa sensibilité aux chocs et mouvements trop brusques.
-Enfin, l’échappement naturel à double roue d’échappement. S’il combine les avantages de l’échappement à détente et de l’échappement à ancre (échappement direct + chaque impulsion transmise), il combine également les défauts de ces derniers, soit une relative fragilité et une usure prématurée due à sa complexité mécanique et à son plus grand nombre de frottements.
Aujourd’hui, chez Girard-Perregaux, Dominique Loiseau, s’inspire des travaux successifs sur l’échappement naturel pour créer un nouveau type d’échappement révolutionnaire: l’échappement constant.
Avant de s’intéresser au fonctionnement de cet échappement, il faut rappeler le principe de force constante. Un ressort de barillet, comme tout accumulateur d’énergie, possède une tension. Or cette tension est très forte en début de réserve de marche, bonne au milieu, et médiocre en fin. Il existe donc des dispositifs de blocage du ressort de barillet pour empêcher de trop dégrader les performances chronométriques avant que ce dernier soit complètement vidé. Moins fréquemment, d’autres techniques sont mises en place, pour réguler l’énergie du barillet: en amont de la chaine d’énergie, on implante un mini-ressort, à rechargement court, afin de réguler l’énergie en provenance du barillet.
Mais la solution proposée par Girard Perregaux est novatrice car elle n’intervient pas en amont de l’organe réglant, mais en aval! Mieux encore, elle intervient directement sur l’échappement, la partie la plus délicate au sein d’une montre mécanique.
Un échappement naturel est composé de deux roues d’échappement et d’un plateau à ailettes, directement lié à l’axe de balancier. Le plateau à ailettes est pourvu d’un dispositif d’arrêt. Les ailettes font bouger les roues à dents épicycloïdales, qui entraine les roues à dents pointues, freinées par la tige liée au plateau à ailettes.
Vous avez suivis ? Bien. Car si la proposition de Girard-Perregaux conserve la double roue d’échappement et l’impulsion directe: elle modifie et révolutionne tout le reste. La grande nouveauté apportée par le calibre MVT-009100-0007 réside en un mobile intermédiaire inédit constitué d’une lame en silicium et d’une «ancre-plateau ».
Cette lame en silicium est liée à une « ancre-plateau » très particulière qui part de l’axe du balancier pour courir jusqu’aux deux roues d’échappement lesquelles ne s’entrainent pas mutuellement mais reposent sur l’ «ancre-plateau».
La particularité de cette «ancre-plateau», c’est qu’elle est régulée par la lame en silicium fixé à la platine. Ce « fil » en silicium oscille à vitesse constante grâce au principe de flambage: L’oscillation d’un corps flexible, du point de compression au point de flexion. Expérience que vous pouvez tenter, avec une carte de visite par exemple.
Tout le travail ici, fut dans la recherche d’une forme assez instable (mais néanmoins constante) de la lame en silicium pour permettre une oscillation à la moindre impulsion du balancier. Ainsi, que l’énergie soit faible ou importante, la lame va réguler le signal transmis par le balancier. La lame fait 14microns, soit le 6éme d’un cheveu et a nécessité le concours de l’université de Neuchâtel pour sa mise au point ainsi que sa découpe par la technique du DRIE, déjà utilisée dans le cadre des spiraux en silicium.
La vidéo de la technologie CSEM utilisée pour l'Echappement Constant de Girard-Perregaux
Le CSEM, basé à Neuchâtel, est un centre privé de recherche appliquée et de développement qui spécialise dans la micro- et nanotechnologie, le système d'ingénierie microélectronique et la technologie de communication.
Il a pour but de rehausser la compétitivité de l'industrie, notamment l'industrie Suisse, en développant des plateformes de techonologie appliquée dans les micro- et nanotechnologies aussi bien que dans le domaine de l'informatique. Il les transfère ensuite au secteur industriel.
C’est donc un dispositif de «sur-régulation» de l’énergie du balancier. Au-delà de l’aspect purement technique, c’est incroyablement beau à voir fonctionner, comme le montre cette vidéo.
Pour que ce dispositif ait un sens, il fallait lui accoler une longue réserve de marche : 7 jours. Les deux ressorts de barillet, de 150cm chacun, alimentent le barillet cadencé à 21600 a/h. Le mouvement fait 17’’’ 1/2 lignes (pour 8 d’épaisseur) et se compose de 271 éléments et 28 rubis. Vu la taille du mouvement, la boite en or blanc est relativement grande avec 48mm de diamètre pour 14,63mm d’épaisseur.
Mais l’impact esthétique n’est pas à chercher du côté de la boite, mais évidemment de l’exceptionnel ajourage du mouvement. Vous remarquerez, que les iconiques trois ponts d’or de Girard Perregaux ont été subtilement intégrés, au niveau de l’échappement. Côté face, à 9h on trouve la réserve de marche linéaire, à midi l’heure et minute. Côté pile, on est en face de finition de très haut niveau, avec des squelettages des ponts très expressifs, les contrastes entres les divers couleurs de galvanisation sont parfaitement pensés, c’est beau, original et la symétrie entre les moitiés gauche et droite est poussé à un point rarement atteint.
L’Echappement Constant est la première montre qui intègre un échappement qui s’éloigne fortement des principes de l’échappement naturel, pour y intégrer de la haute technologie. Pour faire fonctionner un ensemble, selon des principes révolutionnaires.