1957, l’hommage de Girard-Perregaux à une page de son Histoire
Au premier coup d’oeil, cette montre est une montre, juste une montre! Trois aiguilles, une date, un cadran intemporel et sobre aux accents vintage… A y regarder de plus près, il se pourrait bien qu’on parle ici d’une icône.
J’observe, un peu méfiant, cette pièce prêtée le temps d’un test au porté et je me dis que je l’aurais bien vue au poignet de mon grand-père paternel. Cet homme que je n’ai pas connu mais dont la réputation d’intégrité, de dévouement, de discrétion et d’humilité continue d’alimenter les rencontres de famille et l’image que je me fais de lui. Bref, un être appartenant à la race des modestes, de ceux qui savent rester ‘à leur place’ tout en apportant alentours leurs talents et leurs lumières.
Codes esthétiques originels
Soudain, en me relisant, je m’aperçois que pourrait s’arrêter là la description de la première impression que me fait cette pièce en série limitée dont le numérotage de 225 exemplaires fait référence à l’âge de la marque qui la réédite en 2016. S’il n’y avait la dimension de sa carrure de 40 millimètres de diamètre qui colle à notre époque, c’est à dire qui a été agrandie mais pas trop puisque le retour aux dimensions ‘normales’ a enfin tourné le dos aux errances XXL de la tendance du début de notre troisième millénaire, je dirais que ce design pourrait bien venir des sixties, ces années d’avant la crise du quartz, à l’heure où les concours de Chronométrie sévissaient encore, dictant au passage les espoirs et les efforts des enseignes horlogères.
Tandis que je fouille un peu les archives et que je m’exerce au souvenir en mode sépia, cette Girard-Perregaux 1957 version 2016 tente d’apprivoiser mon attention avec, sous une glace saphir dont la forme «box» évoque l’incassable plexiglass d’alors, tellement préférable au si fragile verre minéral, son cadran rétro de couleur champagne. Ses aiguilles, disposant d’une nervure dans laquelle a été coulé un trait de matière luminescente, sont de type dauphine. Ses index sont discrets, tels des pointes indicatrices dont la corpulence s’efface au profit de la lisibilité optimale.
Traversés par une fine fente, les index indiquant 12h, 6h et 9h évoquent le bec poli brillant d’une plume à encre. Quant à la pointe de celui posé à 3h, elle a été rabotée afin de permettre un meilleur accès visuel au discret guichet d’une petite date. Là encore, l’extravagance n’est pas à l’ordre du jour et le minuscule lettrage figurant au dessous du logo pour indiquer tantôt l’année de fondation de la Maison, 1791, tantôt «AUTOMATIC», la désignation du mode de fonctionnement de son calibre mécanique, démontre que la Manufacture n’a rien perdu de son sens du détail. Enfin, l’ensemble se voit circonscrit au coeur d’une boîte en acier dont l’alternance poli-satiné entretient le clin d’oeil historique.
Gyromatic, l’innovation historique
Ressortent alors de la mémoire horlogère collective, quelques pages mémorables. Ce temps où, en 1966, le Prix du Centenaire de l’Observatoire de Neuchâtel - monument sacrifié depuis sur l’autel des coûts d’entretien - récompensait Girard-Perregaux pour «Gyromatic», ce mécanisme apparu en 1957 qui instaurait les standards de la bonne marche mécanique du remontage automatique. D’ailleurs, l’année suivante, en 1967, ce même Observatoire devait délivrer 73% de ses bulletins de précision chronométrique à des pièces se réclamant des mêmes brevets déposés alors.
Il faut le dire, le principe micro-mécanique embarqué dans la «Gyromatic» de l’époque a toujours quelque chose de révolutionnaire. Les chercheurs de la Maison chaux-de-fonnière eurent l’idée de remplacer les roues à cliquets - composant indispensables aux va-et-vient de la masse oscillante servant par sa course bi-directionnelle le remontage d’une montre - par des embrayages unidirectionnels à galet, comparables à des freins torpédo.L’ingéniosité de ce système était d’être à la fois simple, fiable et efficace et d’arborer une finesse d’encombrement autorisant l’élégance esthétique offerte par la minceur d’un modèle. Des milliers de montres GP furent donc équipées de cette technologie. Une «Gyromatic HF» - HF pour Haute Fréquence - vit même le jour, véritable formule 1 de la précision horlogère.
Dans les yeux du grand-père disparu…
Je repense alors à ce grand-papa parti trop tôt, incarnation encore vivace d’un esprit horloger des montagnes, caractérisé par le dévouement, la simplicité et la compétence. Il partit d’une crise cardiaque, après avoir jusqu’au bout servi comme bras droit les intérêts du patron de Solvox, une petite fabrique d’horlogerie depuis disparue.
Je me dis qu’il aurait ouvert de grands yeux fascinés en découvrant aujourd’hui cette montre qu’il croisa certainement de son vivant, lui qui vivait aussi à La Chaux-de-Fonds. Lui reconnaître un air de famille, s’émerveiller d’observer par son fond transparent - cela ne se faisait pas à l’époque - son calibre maison actuel, le GP03300, décoré Côtes de Genève. Il aurait certainement alors été enthousiaste d’apprendre que Girard-Perregaux, cette enseigne qui lui était si familière, avait non seulement survécu aux crises cycliques d’un secteur béni, mais célébrait en 2016 un 225ème anniversaire placé sous le signe d’une inventivité encore exercée avec vigueur. Paix à son âme…